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PasseSanitaire : plutôt que de créer une nouvelle possibilité de licencier, on aurait espéré de la part du gouvernement des mesures de préservation de l'emploi, déplore Thomas T'JAMPENS, avocat spécialiste du droit social de Vivaldi Avocats dans MagazineCapital.
Deux amendements du gouvernement au projet de loi sur la gestion de la crise sanitaire précisent les modalités pour mettre fin aux fonctions des personnels soignants et des salariés qui ne respectent pas leur obligation vaccinale ou de pass sanitaire. Ils ont été adoptés par l’Assemblée nationale, dans la nuit de jeudi à vendredi.
Le projet de loi du gouvernement sur la gestion de la crise sanitaire a été adopté par l’Assemblée nationale, dans la nuit de jeudi 22 à vendredi 23 juillet. Pour rappel, ce texte impose la vaccination contre le Covid-19 aux personnels de santé à partir du 15 septembre, ainsi qu’un pass sanitaire valide (vaccination complète contre le Covid-19, test PCR ou antigénique de moins de 48 heures négatif, certificat de rétablissement de moins de six mois) pour les salariés de certains établissements recevant du public à partir du 30 août. Dans son texte d’origine, l’exécutif prévoyait, en cas de non-respect de ces obligations, la possibilité pour l’employeur de suspendre directement le contrat de travail du salarié. Si cette situation durait plus de deux mois, l’employeur pouvait alors décider de licencier le salarié (ou de rompre le contrat de travail en cas de CDD) ou de continuer à suspendre son contrat.
Dans ce cadre, le salarié se serait donc retrouvé bloqué, “sans aucune possibilité de toucher le chômage et sans aucune rémunération”, pointe Delphine Robinet, avocate spécialisée en droit social. Le gouvernement a donc tenté de corriger le tir, via deux amendements déposés dans le cadre de l’examen de son projet de loi à l’Assemblée nationale. Le premier concerne l’obligation de pass sanitaire dans les entreprises recevant du public, et le second l’obligation vaccinale pour les professionnels de santé. Ils ont été adoptés par les députés, dans la nuit de jeudi 22 à vendredi 23 juillet.
Ces amendements apportent également plusieurs précisions sur les modalités qui encadrent la rupture du contrat de travail en cas de non-respect de l’obligation vaccinale ou de pass sanitaire. Toutefois, “plutôt que de créer une nouvelle possibilité de licencier, on aurait espéré de la part du gouvernement des mesures de préservation de l’emploi”, déplore Thomas T’jampens, avocat spécialiste du droit social du Cabinet Vivaldi Avocats. Surtout, malgré les évolutions et les précisions apportées par ces deux amendements, “on fait toujours peser le risque sur les employeurs et les salariés”, ajoute-t-il.
Une solution proposée pour éviter une suspension immédiate
Comme l’a annoncé Elisabeth Borne, la ministre du Travail, au micro de BFMTV ce mardi, l’idée est d’offrir “la possibilité pour le salarié de convenir avec son employeur de prendre des RTT ou des jours de congés” en cas de pass sanitaire non valide ou de non-respect de l’obligation vaccinale. Cela permettra ainsi au salarié de continuer à percevoir sa rémunération et de ne pas voir son contrat suspendu, le temps de “régulariser la situation”, indique le gouvernement dans ses amendements. Comprendre : le temps que le salarié ou le professionnel de santé effectue les démarches nécessaires pour se faire vacciner contre le Covid-19, ou bien pour être en mesure de présenter un test négatif de moins de 48 heures. Le problème, c’est que “tous les salariés n’ont pas un stock de congés suffisant”, pointe Thomas T’jampens. Il est donc loin d’être certain que tous les salariés puissent se saisir de cette possibilité.
Si le salarié refuse ou n’est pas en mesure de poser des jours de repos, l’employeur peut notifier “par tout moyen” (par écrit ou par oral), le jour-même, la suspension du contrat de travail (et donc du salaire) de l’employé concerné. Une situation qui peut prendre fin si le salarié régularise la situation (en se faisant vacciner ou en présentant un pass sanitaire valide). Passé trois jours de suspension, “le salarié est convoqué à un entretien afin d’examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation”, précise le gouvernement dans ses amendements. À cette occasion, l’employeur devra donc informer le salarié sur la vaccination contre le Covid-19. Or “cela ne devrait pas être à l’employeur de le faire. L’information doit venir du gouvernement et des services de santé au travail”, estime Anne Leleu-Été, fondatrice et associée du cabinet Axel Avocats.
Dans le cas des salariés soumis au pass sanitaire, cet entretien peut notamment permettre de discuter des “possibilités d’affectation, temporaires le cas échéant, au sein de l’entreprise sur un autre poste non soumis à cette obligation”, ajoute l’exécutif. Une possibilité qui n’est logiquement pas prévue pour les personnels de santé soumis à la vaccination obligatoire, pour qui une nouvelle affectation n’est pas envisageable.
La procédure classique d’un licenciement pour motif personnel
Si un employé en CDI refuse de régulariser la situation et si son contrat est suspendu pendant une durée cumulée supérieure à deux mois de journées travaillées, il peut s’agir d’un motif “spécifique constituant une cause réelle et sérieuse de licenciement”, signale le gouvernement dans ses amendements. “Le gouvernement crée ici un nouveau motif de licenciement, non disciplinaire. Il ne s’agit pas d’une faute, mais on fait le constat que le salarié n’est pas en mesure de présenter un pass sanitaire valide ou qu’il n’est pas vacciné”, explique Delphine Robinet.
Dans ce cadre, les amendements de l’exécutif prévoient de suivre la procédure classique d’un licenciement pour motif personnel. À savoir l’envoi d’une lettre de convocation à un entretien préalable au licenciement. Ce dernier doit être organisé dans les cinq jours ouvrables suivant la présentation de la lettre. Deux jours ouvrables après la date de l’entretien préalable, l’employeur doit notifier le licenciement par lettre recommandée. “Il ne devrait toutefois pas y avoir de préavis à respecter, puisque le salarié se retrouve dans l’incapacité de travailler”, précise Delphine Robinet. À la date de fin de son contrat, le salarié perçoit une indemnité de licenciement, versée par l’entreprise. “Pour éviter les sanctions, les employeurs vont se retrouver dans l’obligation de licencier certains salariés, et donc de leur verser des indemnités de licenciement. Cette situation peut être vue comme injuste : les employeurs la subissent”, déplore Anne Leleu-Été.
Les contractuels de la fonction publique également concernés
Pour les salariés en CDD ne respectant pas leurs obligations, l’employeur peut décider de rompre le contrat avant son terme, au bout de deux mois d’inactivité en raison de la suspension du contrat. Le salarié peut alors percevoir l’indemnité de fin de contrat, aussi appelée “prime de précarité”. Pour calculer son montant, la période de suspension du contrat est exclue. À noter que ces dispositions sont valables pour les salariés en CDI et en CDD des établissements soumis à pass sanitaire, mais aussi pour les contractuels de la fonction publique travaillant dans ces établissements (soumis au pass sanitaire) ou dans le domaine de la santé (soumis à l’obligation vaccinale).
Pour les salariés en contrat de travail temporaire, le principe est le même que pour ceux en CDD : le contrat peut être rompu avant son terme en cas de non-respect des obligations et les salariés touchent alors leur indemnité de fin de mission. Là aussi, la période de suspension du contrat est exclue du montant de l’indemnité.
Même principe pour les fonctionnaires titulaires
Enfin, les amendements de l’exécutif encadrent la procédure pour les fonctionnaires titulaires (non contractuels) qui ne respecteraient pas non plus leurs obligations. Comme pour les salariés en CDI ou en CDD et les contractuels de la fonction publique, si un fonctionnaire ne respecte pas ses obligations, et s’il ne choisit pas de mobiliser, avec l’accord de son employeur, des jours de congés, ses fonctions (et son salaire) peuvent être suspendues. Cela s’applique à la fois aux personnels de santé soumis à l’obligation vaccinale, mais aussi aux fonctionnaires travaillant dans des établissements soumis à pass sanitaire (piscines municipales, bibliothèques municipales, etc.).
Au bout de trois jours de suspension du contrat, l’employeur peut organiser un entretien avec le fonctionnaire, dans le but d’examiner les possibilités de régulariser la situation. Si le fonctionnaire refuse de respecter son obligation pendant plus de deux mois, alors l’employeur peut décider de mettre un terme à ses fonctions. “Cette mesure est prononcée après convocation, par tout moyen, à un entretien préalable et information de l’agent de ce qu’il peut se faire assister par le ou les défenseurs de son choix. L’agent public dispose d’un délai de dix jours francs pour présenter ses observations avant la tenue de l’entretien. A l’issue de l’entretien, la décision lui est notifiée par tout moyen. Elle précise le motif ainsi que la date à laquelle la cessation définitive des fonctions intervient”, détaillent les amendements du gouvernement.
À noter que c’est au tour du Sénat d’examiner le projet de loi, à partir de ce vendredi 23 juillet. Le texte, et donc les amendements du gouvernement, peuvent donc encore être amenés à évoluer. D’autant que le Premier ministre, Jean Castex, a également annoncé que le Conseil constitutionnel serait saisi sur ce projet de loi.
Article de Sarah Asali pour Capital
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